Analyse de texte: «L'existentialisme est un humanisme», Jean-Paul Sartre

Publié le par Paul Fuoco

Nom de l'auteur: Jean-Paul Sartre

Époque: années 1940

Courant littéraire: existentialisme

Titre de l'extrait: l'existentialisme est un humanisme

Référence: SARTRE, Jean-Paul. «L'existentialisme est un humanisme», danielmartin.eu, [en ligne].[http://www.danielmartin.eu/Textes/Existentialisme.htm]

Thème principal: l'influence de l'Homme sur ce qu'il est

Particularités: Ce texte n'est pas narratif, mais explicatif, sinon argumentatif. Sartre y défend son point de vue sur la pertinence de ses idées quand à la religion et le concept de nature humaine

Ce que j'aime du contenu: L'auteur base son opinion sur la logique et les faits. Celle-ci est que la nature humaine est inexistante, puisque tous les Hommes sont différents et que l'Homme n'est rien que ce qu'il se fait. C'est-à-dire que seules ses actes définiront ce qu'il sera. Il ne peut donc pas y avoir de destin ou même de Dieu tout-puissant.

Ce que j'aime de la forme: Il ne s'agit pas d'un texte en vers ou de poésie, mais d'un essai. L'avantage de ce style est qu'il permet d'exposer un point de vue de façon très exhaustive

Comment aborder ce texte: Ce n'est pas le type de texte qu'on appréciera particulièrement pour son style, mais son message est des plus recherchés. Il faut donc être certain de suivre les réflexions de l'auteur et d'en comprendre les raisons, pour pouvoir, par la suite, en tirer nos propres conclusions. Jean-Paul Sartre expose un point de vue, et il appartient au lecteur de l'adopter ou non. L'important est d'être en bonne compréhension du texte tout au long de la lecture.

 

Extrait du texte analysé:

 

L'existentialisme athée, que je représente, est plus cohérent. Il déclare que si Dieu n'existe pas, il y a au moins un être chez qui l'existence précède l'essence, un être qui existe avant de pouvoir être défini par aucun concept et que cet être c'est l'homme ou, comme dit Heidegger, la réalité-humaine. Qu'est-ce que signifie ici que l'existence précède l'essence ? Cela signifie que l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu'il se définit après. L'homme, tel que le conçoit l'existentialiste, s'il n'est pas définissable, c'est qu'il n'est d'abord rien. Il ne sera qu'ensuite, et il sera tel qu'il se sera fait. Ainsi, il n'y a pas de nature humaine, puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir. L'homme est non seulement tel qu'il se conçoit, mais tel qu'il se veut, et comme il se conçoit après l'existence, comme il se veut après cet élan vers l'existence, l'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait. Tel est le premier principe de l'existentialisme. C'est aussi ce qu'on appelle la subjectivité, et que l'on nous reproche sous ce nom même. Mais que voulons-nous dire par là, sinon que l'homme a une plus grande dignité que la pierre ou que la table ? Car nous voulons dire que l'homme existe d'abord, c'est-à-dire que l'homme est d'abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans l'avenir. L'homme est d'abord un projet qui se vit subjectivement, au lieu d'être une mousse, une pourriture ou un chou-fleur ; rien n'existe préalablement à ce projet ; rien n'est au ciel intelligible, et l'homme sera d'abord ce qu'il aura projeté d'être. Non pas ce qu'il voudra être. Car ce que nous entendons ordinairement par vouloir, c'est une décision consciente, et qui est pour la plupart d'entre nous postérieure à ce qu'il s'est fait lui-même. Je peux vouloir adhérer à un parti, écrire un livre, me marier, tout cela n'est qu'une manifestation d'un choix plus originel, plus spontané que ce qu'on appelle volonté. Mais si vraiment l'existence précède l'essence, l'homme est responsable de ce qu'il est. Ainsi, la première démarche de l'existentialisme est de mettre tout homme en possession de ce qu'il est et de faire reposer sur lui la responsabilité totale de son existence. Et, quand nous disons que l'homme est responsable de lui-même, nous ne voulons pas dire que l'homme est responsable de sa stricte individualité, mais qu'il est responsable de tous les hommes. Il y a deux sens au mot subjectivisme, et nos adversaires jouent sur ces deux sens. Subjectivisme veut dire d'une part choix du sujet individuel par lui-même, et, d'autre part, impossibilité pour l'homme de dépasser la subjectivité humaine. C'est le second sens qui est le sens profond de l'existentialisme. Quand nous disons que l'homme se choisit, nous entendons que chacun d'entre nous se choisit, mais par là nous voulons dire aussi qu'en se choisissant il choisit tous les hommes. En effet, il n'est pas un de nos actes qui, en créant l'homme que nous voulons être, ne crée en même temps une image de l'homme tel que nous estimons qu'il doit être. Choisir d'être ceci ou cela, c'est affirmer en même temps la valeur de ce que nous choisissons, car nous ne pouvons jamais choisir le mal ; ce que nous choisissons, c'est toujours le bien, et rien ne peut être bon pour nous sans l'être pour tous. Si l'existence, d'autre part, précède l'essence et que nous voulions exister en même temps que nous façonnons notre image, cette image est valable pour tous et pour notre époque tout entière. Ainsi, notre responsabilité est beaucoup plus grande que nous ne pourrions le supposer, car elle engage l'humanité entière. Si je suis ouvrier, et si je choisis d'adhérer à un syndicat chrétien plutôt que d'être communiste, si, par cette adhésion, je veux indiquer que la résignation est au fond la solution qui convient à l'homme, que le royaume de l'homme n'est pas sur la terre, je n'engage pas seulement mon cas : je veux être résigné pour tous, par conséquent ma démarche a engagé l'humanité tout entière. Et si je veux, fait plus individuel, me marier, avoir des enfants, même si ce mariage dépend uniquement de ma situation, ou de ma passion, ou de mon désir, par là j'engage non seulement moi-même, mais l'humanité tout entière sur la voie de la monogamie. Ainsi je suis responsable pour moi-même et pour tous, et je crée une certaine image de l'homme que je choisis ; en me choisissant, je choisis l'homme.

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
Voir Blog(fermaton.over-blog.com).No.9 - THÉORÈME SARTRE. - La liberté ?
Répondre
C
Voir mon blog(fermaton.over-blog.com)No.9- THÉORÈME SARTRE. - La liberté proposée ?
Répondre
L
Tout ce que je peux dire, pour l'instant, est que Jean-Paul Sartre me donnait de gros mots de tête à l'école. Aujourd'hui, j'apprécie particulièrement la notion de responsabilité de l'homme<br /> puisqu'elle renvoie à celle de liberté. A partir du moment où l'homme, ou la personne, reconnaît être responsable de ses actes, il devient libre puisqu'il est seul maître de l'essence de son<br /> existence. Cela est autant une chance qu'un poids car Dieu ou quiconque d'autre ne lui est d'aucun secours. Son humanité se révèle dans ses choix. Mais l'humanité existe-t-elle sans Dieu, on se<br /> pose encore la question.
Répondre